Une nouvelle aventure commence…
A cinquante par wagon, chacun prend une petite place tant bien que mal sans pouvoir s'allonger. Le voyage durera trois jours et trois nuits dans des conditions d'hygiène épouvantables. Une tinette est placée au centre du wagon. Une fois par jour le train s'arrête en rase campagne et sous la surveillance de nos geôliers, nous pouvons sortir des wagons et satisfaire nos besoins naturels. Puis de nouveau, c'est l'enfer avec cette cohabitation de cinquante hommes dans cette prison où l'on étouffe dans une odeur pestilentielle.
E nfin, au petit matin du 24 janvier, le jour de mes vingt ans, le train s'arrête définitivement. La faim nous tenaille. La boule de pain que nous avions touchée au départ est bien loir. Les sentinelles nous font sortir sans ménagement des wagons. Nous sommes en Allemagne comme nous pouvions le craindre. Cette fois, nos illusions sont bien envolées ZIEGENHAIN, c'est le nom de la gare. Sur le quai, les sentinelles nous rassemblent dans des hurlements gutturaux et n'hésitent pas à se servir de leur crosse pour faire avancer les retardataires. En rangs serrés et après une longue marche nous arrivons aux portes d'un camp immense ceinturé de barbelés et entouré de miradors. C'est le stalag IX A.
CAMP DE ZIEGENHAIN (24 janvier - 29 janvier 1941)
T rès vite, nous nous apercevons de la bonne organisation des lieux. En ordre, nous sommes installés dans des baraquements en bois où nous trouvons des châlits à trois étages avec paillasse et couvertures où nous pourrons dormir convenablement.
L e 25 janvier, en groupes, nous passons à l'épouillage. Tous nos vêtements sont passés à la désinfection et nos cheveux sont coupés à ras. Ainsi vont disparaître ces poux qui ne m'avaient jamais quittés depuis le camp de Mailly. Nous passons ensuite à la douche et on nous attribue notre numéro matricule ; le mien est 58326, un numéro qui remplacera mon nom désormais. Nous sommes nourris décemment. En supplément chaque prisonnier reçoit de la Croix Rouge des biscuits de guerre et des cigarettes. Nous ne souffrons pas du froid, les baraques étant bien chauffées. Le IX A étant un camp de transit, le 29 janvier, un groupe est formé dont je fais partie. Nous quittons le camp en camions et quinze kilomètres plus loin, nous arrivons dans un camp militaire occupé par des soldats allemands au repos.