L e 30 mars, en groupes, nous sortons définitivement du kommando avec notre maigre paquetage vers la liberté.

Une longue marche commence. Extrêmement fatigué, je suis encouragé et soutenu par mon fidèle copain Georges BRUN. Nous sommes mêlés à la population civile, en fuite. Les avions alliés sillonnent le ciel. Cette retraite me rappelle celle que j’ai connue cinq ans plus tôt mais cette fois elle se déroule en Allemagne.

Soudain, dans un nuage de poussière, les premiers motorisés de l’armée américaine nous doublent suivis par les chars et l’artillerie. D’une jeep, un officier descend. Il canalise notre colonne et nous indique la route à suivre. Georges BRUN s’avance alors vers l’officier et lui montre dans quel état de faiblesse je me trouve. Je n’ai plus la force d’avancer et j’ai la sensation d’avoir un régiment de tambours dans la tête. Je dois avoir beaucoup de fièvre et toujours cette boule de pus derrière l’oreille, extrêmement douloureuse et qui ne fait que grossir. Je suis au bout du rouleau et l’officier en est bien conscient. Il fait signe à Georges de rejoindre la colonne de prisonniers et il me prend avec lui dans sa jeep, direction opposée.

Après avoir roulé une vingtaine de kilomètres, nous arrivons dans un hôpital de campagne, monté sous chapiteau. L’officier m’y dépose. A l’intérieur, je suis en compagnie de soldats américains blessés ou malades. Sur un lit de camp, je passe la nuit avec eux, réconforté par du café bien chaud, des biscuits et une bonne cigarette.

Le lendemain, je suis ausculté par le médecin major. Il me met un pansement dans l’oreille et m’administre antibiotiques et calmants. Un infirmier, parlant bien le Français m’annonce alors que je vais être évacué par avion sanitaire sur PARIS, le lendemain, 1er avril, après avoir passé une nuit relativement bonne grâce aux calmants, je suis réveillé à l’aube et après le petit déjeuner, dirigé en ambulance, avec des blessés, à quelques kilomètres de là.

A 10 heures, l’avion décolle de cette terre étrangère où je venais de passer quatre années misérables. L’avion vole à basse altitude et me permet de voir les destructions infligées aux villes allemandes par les bombardements alliés. Nous survolons COLOGNE, et seule sa cathédrale intacte semble veiller sur la ville presque entièrement rasée. Vue d’en haut, qu’elle me semblait belle cette terre qui de plus en plus me rapprochait de la France.

Et puis, soudain, c’est l’éblouissement, au loin la tour Eiffel, PARIS, et c’est bientôt l’atterrissage au Bourget. Comme dans un rêve, avec mon maigre baluchon, je suis placé dans une ambulance et dirigé sur l’hôpital militaire VILLEMIN.